Qui trop embrasse mal étreint ? Pas en ce qui me concerne. Je déborde d'affection pour mes voisins et mes étreintes sont toujours plus passionnées. Attentionnée, je m'intéresse de très près à leur petite sphère personnelle. Je leur rends visite, je leur deviens indispensable et bientôt su casa es mi casa.
La première de mes armes secrètes ? Très peu de gens me perçoivent comme une plante invasive. Ma profusion est un motif d'admiration. On me photographie en gentille plante de haie, on sourit de mes buissons plumeux. Ignorance qui me sert !
Conquérante, on ne remarque pas mes conquêtes. Une première explication ? J'envahis des espaces délaissés par les Hommes, des interstices, des périphéries.
Deuxième explication ? L'Homme s'en tient à ce qu'il voit et entend or ma communication est irréprochable. Je suis une merveille de la nature ! On me vante et on me vend (à un prix ridiculement bas).
S'il avait des yeux pour voir et des mains pour toucher, l'Homme fouillerait la terre et découvrirait mon dispositif souterrain (une autre de mes armes secrètes). À défaut, il pourrait observer mes entortillements de liane et se dire qu'il n'a jamais vu semblable profusion. Comment s'étend donc cet étrange végétal ? pourrait-il se murmurer tout en se grattant la tête.
Ou par analogie, il se dirait que mes enroulements, mes vrilles, mes enchevêtrements sont comme des câblages, qu'il doit y avoir des noeuds de communication, des relais, des sources d'énergie, bref une organisation derrière ce fouillis apparent.
Mais non, rien, pas la moindre réflexion. L'Homme a-t-il perdu l'usage de ses sens ? Même ses mains sont aveugles. Si, si, c'est possible. Car il ne sent pas non plus cette autre arme secrète, secrétée par mon admirable organisme. Approchez-vous que je vous la chuchote. Je suis une plante toxique.
Manipulez-moi sans gants et vous verrez peut-être de petits boutons apparaître sur votre peau. Ces lésions cutanées peuvent s'étendre si vous les grattez, et tourner pustules. Une dizaine de jours de démangeaisons. Si vous êtes allergique, c'est mieux encore mais je vous laisse la surprise. Cependant, pas de quoi s'effrayer, internet est quasi muet sur le sujet donc je ne suis pas toxique ou très faiblement.
Mon poison se nomme proto-anémonine. Il serait présent dans ma sève. Aussi sur mes feuilles. Sur mon écorce. Seulement sur mes sujets adultes. Bref, on ne sait pas grand-chose et mon poison secret restera secret.
J'en profite pour revenir sur mon surnom d'herbe aux gueux. Partout, on lit la même explication : les mendiants de Moyen-Âge (pourquoi seulement eux ?) se frottaient contre moi pour provoquer des rougeurs purulentes et émouvoir les passants. C'est insultant et surtout
RIEN NE LE PROUVE !
Présentez-moi la source de cette rumeur et on en reparlera. Car généreuse, je ne suis pas la plante à me réserver pour les seuls mendiants. Tout le monde peut profiter de mes largesses. Spécialement dans le domaine artistique. Vous l'ignoriez mais je suis la Muse de l'Humanité.